La face cachée de la dette des Etats Européens

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Le PPP (Partenariat Public Privé), contrat d’inspiration britannique, facilité par les différents gouvernements européens  ces dernières années, cache une partie de la dette des Etats Européens.

 Le PPP est un mode de financement par lequel une autorité publique fait appel à des prestataires privés pour financer et gérer un équipement assurant ou contribuant au service public. Dès lors, le partenaire privé reçoit en contrepartie un paiement du partenaire public et ou des usagers du service qu’il gère. Ce mode de financement est présent dans de nombreux pays sous des formes diverses et est  l’objet de nombreuses critiques. Il peut cacher l’ampleur de la dette publique des Etats Européens et il inquiète les architectes, ainsi que les PME des BTP en termes de limitation de la concurrence et d’augmentation des coûts.  Alors face à des dérives possibles et à certains retours d’expériences, il est urgent de faire un point sur l’état des PPP en Europe.

Selon Frédéric Marty du CNRS, « le financement privé des équipements publics n’est pas ignoré par le droit européen des marchés publics, la concession y occupe une place de choix ». Les juristes y voient l’influence du Droit Hollandais. En Belgique, en Flandre en particulier, la rénovation de certains centres (Anvers, Gand….) passe par des PPP. A Bruxelles, on parle de convention d’aménagement ou de rénovation urbaine, quant à la Région Wallonne, le PPP est utilisé dans des opérations de rénovations urbaines ; soit selon la réglementation, une action qui vise à l’intérieur d’un périmètre, l’amélioration et le développement intégrés de l’habitat, y compris les commerces et les services. La Région de Bruxelles capitale, à statut particulier, « se doit » d’accélérer le processus. La Région et le secteur privé  développe une culture de partenariat, fondée sur des objectifs, dans un cadre clair et stable. C’est ce qui pose le principal problème des PPP, le respect global d’un cadre prédéfinit et réglementé. Pour les spécialistes du droit, comme pour les architectes, cette volonté globale de généralisation de ce type de partenariat, permet tout simplement de créer un montage comptable qui cacherait une partie de la dette publique des Etats membre de l’Union Européenne. En effet, l’importance de la dette est telle dans certains Etats de l’Union, qu’ils se tournent vers cette formule de partenariat public-privé et ceci, avec le soutien de la Banque Mondiale, de l’OCDE et de la Banque Européenne d’Investissement. Aujourd’hui, environ 10% des projets en Grande Bretagne se font via des PFI (PPP Britannique), les hôpitaux en particulier.

« L’Iceberg de la dette »

Bombe fiscale à retardement, augmentation des coûts, limitation de la concurrence, un cocktail qui est pointé du doigt par tous les spécialistes du secteur. Denis Dessus de l’Ordre des architectes,  nomme l’aspect financier des PPP, « l’Iceberg de la dette », en d’autres termes, les Etats continuent à s’endetter sans que cela n’apparaissent dans les comptes des Etats membres. Un système opaque qui coute très cher car le mode de financement provient du privé à un coût plus élevés et pour une durée longue. Selon Michel Parigot, « les surcoûts engendrés  n’apparaissent pas dans les déficits publics et le système des PPP peut aussi  cacher une limitation de la concurrence ». Ce système malsain peut entraîner une spirale de l’endettement ; une commune, une région ou une collectivité au sens français du terme, peut en cas de surendettement faire un PPP pour réaliser des travaux d’intérêts publics, sans que son endettement ne soit impacté officiellement. « La réalité de la dette sera non seulement dissimulée mais elle va augmentée en termes de coûts en raison de la complexité et de la longueur qu’impose le PPP ».

De plus, la crise financière de ces dernières années, a fait intervenir les Etats, pour garantir les emprunts. A ce jour, seuls les britanniques, qui ont une plus grande expérience des PPP que le reste de l’Europe, prennent conscience de l’accélération de l’endettement et de la crise qui peut en découler. Les architectes, les chercheurs et les économistes pensent que les performances pourraient être bien meilleures avec les marchés publics traditionnels.

Une qualité du service public amoindrie

Selon Michel Parigot, dans ce no man’s land juridique, le PPP pose un problème qualitatif car les architectes deviennent des prestataires pures et simples des groupes industriels : « être au service du contractant en tant qu’employé en définitive,  peut être préjudiciable à la qualité du service public et pose la question de savoir de quoi  la personne publique sera propriétaire après 30 ans ». L’Ordre des architectes réclame un processus par concours, qui permet de choisir le meilleur projet, avant d’entamer les procédures de permis de construire. Ce ne serait qu’à la fin que le choix des groupements privés se ferait. Ce système clair remet en avant le processus de concurrence et augmente la qualité du projet final.

Vers un développement durable

En conclusion et selon Denis Dessus, architecte et Vice-président de l’Ordre des Architectes, « l’iceberg PPP de la dette n’est malheureusement pas soumis au changement climatique, il grossit, et sa part immergée augmente de façon exponentielle, se chiffrant en milliards voire en dizaines de milliards d’€uro chez les grands pays européens.

Ces Etats se conduisent comme des ménages surendettés qui trichent sur leurs déclarations pour continuer à emprunter. » Il est temps à une période où l’on parle de développement durable, d’y inclure des économies durables, car ce ne sont pas à nos enfants à payer nos besoins d’aujourd’hui. A ce jour, seul les britanniques ont commencé à faire marche arrière avec la prise de conscience de ces écueils.

MP

 

Publié dans Architecture

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